Je vous fais part d’une fantaisie - que je n’ai pas relue, excusez les potentielles fautes de frappes, ou d’inattention - que je viens de poster sur mon blog. Ça peut, peut-être, en amuser certains:
"Il faut l’avouer. C’est un bon amant. Dès les premières rencontres, se réveiller en sueur dans ses draps n’est pas offert à n’importe quelle conquête. En fait, elle n’est offerte qu’à une sur cent mille, d’après les statistiques. J’ai appris à goûter ma chance.
Eh puis il était mignon - un peu discret, certes, mais sa masse me coupait le souffle -; une forme un peu ronde, un peu quelconque, on aurait dit un vrai coeur.
Mais tout de suite, cet idylle a tourné au vaudeville. Car nous n’étions pas seuls, avec notre bonheur, sur terre. Elle était là, aussi, elle, perverse et hautaine, à nous guetter, et à connaître ses secrets. Je devais - par devoir! - me rendre à son rendez-vous toutes les deux semaines. Qu’elle me disait du mal de lui! elle me le peignait comme un brigand, comme un assassin, comme un monstre! J’en sortais malade - et me trainais plusieurs jours, dans l’incertitude de mes sentiments.
Un jour, afin de mettre à l’épreuve son amour, elle me conseilla de me raser le crâne de près, avec les sourcils, et les cils, et la barbe. Nous verrions, s’il m’aimait vraiment! Je le fis; il m’aima encore.
Avec lui, cependant, tout était plus simple. Certes, il m’avait causé quelques désagréments. Son amour avait été trop invasif; et le poumon et le coeur ne se partagent pas. Pourrais-je lui en vouloir? Il m’aimait à me dévorer - comme s’aiment les amants.
Les mois passèrent; elle n’eut pas d’emprise sur lui. Il était trop cher à mes yeux pour que le poison de ses paroles pussent le détacher de mon coeur. Mais des amis - ceux que l’on appelle des médecins des moeurs, hélas! - me présentèrent à un homme, fort, chauve, moustachu, à la voix et au ventre gras. Nos rendez-vous, fixés par des amitiés communes, et dont je ne pouvais me défaire sous peine d’être taxé de malapris, tournaient encore au malaise. Mais au lieu de paroles insidieuse, comme son amie avant lui, celui-ci me pinçait dans les couloirs, et me hurlait dessus - ou presque - et devant toute la société de nos amis! à propos de mon amant.
Ces réunions, j’en ressortais détruit - il fallait, rentré chez moi, que je prenne d’autres granulées. Tout semblait conspirer à me nuire. Lentement, mon affection cessa, et d’ailleurs, cet amant, je ne pouvais pas le voir - notre relation était basée sur la confiance, sur l’assurance de la présence d’autrui, mais je n’avais aucune preuve qu’il soit avec moi, lorsque je le croyais et lui parlais.
On me mit dans plusieurs tubes, après m’avoir injecté du sucre dans les veines; sans doute car le sucre est au corps ce que l’amour est au coeur; j’en ressortis, et l’on m’apprit que de cet amant, il ne restait pas grand chose. Qu’il semblait fuir. Que les régions périphériques avaient été désertées. Le choc fut rude. Je continuais tout de même à me rendre chez le moustachu tonitruant, pensant que, peut-être, si je guérissais de cet amour, je pourrais connaître une histoire plus saine, plus plaine, avec une personne que je verrais en face de moi - que je pourrais inviter et congédier, et qui ne me serait pas intrinsèque.
Quelques mois après, le rituel recommença. Mais il avait repris ses forces; peut-être m’avait-il seulement mis à l’épreuve… et j’avais cédé. Feignant l’abandon, il surveillait ma réaction, jugeait si j’étais digne, ou non, de ses sentiments et de sa loyauté… Il revint si fort, les images brillaient tellement de lui, que je me sentais humilié d’avoir été pris en faute, d’avoir été surpris dans ma dérobade, et humilié encore de sa bonté, lui qui, m’ayant surpris, revenais tout de même.
Depuis, je vais par ennui chez un autre ami, qui donne dîner toutes les trois semaines. Nous y passons quatre jours, puis revenons chez nous. La nourriture y est bonne, la chère opulente, mais la cuisinière, venant du Sud-Ouest, a tendance à charger un peu ses plats - et les reins pâtissent un peu de tant de bontés. Cet ami, aussi, comme tous les autres, me tient les mêmes discours: amour infâme, amour déraisonné, amour de borgnes et d’imbéciles. Je le laisse parler, et finis mon canard confit, le sourire aux lèvres.
Car, enfin, je ne les entends plus, eux tous, et dans mon coin, avec lui, je construis ma vie. Nous lisons les livres que j’aime, mais il est trop timide pour me dire quels sont ceux qu’ils préfèrent, nous regardons des films, et je lui fais visiter Paris (il dit qu’avant de me connaître, il n’y était jamais allé; mais je peine à le croire; sans doute connait-il mieux les sous-pentes de Montmartre que moi les trottoirs de mon quartier…). Il arrive même que nous dînions aux chandelles - et nous mangeons pour deux! - ou que nous prenions un bain ensemble… Je crois qu’il apprécie, même s’il ne dit rien. Je le vois à son petit sourire en forme de mignone petite cicatrice de biopsie.
Mais, comme je l’ai dit auparavant; cet être, qui semble attirer à lui toute la lumière de mon univers, à qui je fais écouter ma musique préfèrée - la baroque - et ma littérature folle; cet être à qui j’accorde tant de soin, pour qui je vais même jusqu’à prendre quelques antiobiotiques, quelques piqûres, afin qu’entre nous “ça soit sûr”, cet être, disais-je, rien ne me prouve sa permanence en mon sein.
La semaine du 11, les anneaux, les trois anneaux du TEPscan (trois anneaux qui révèlent la présence de l’aimé, comme la bague 3 ors de Cartier l’y attachent; est-ce un hasard?) me le diront.
Inutile de vous dire mon angoisse, je crains tant d’avoir perdu mon Crabe depuis longtemps - la bouillabaisse est si bonne lorsqu’elle est fraîche. "