Alors, pour l’instant, d’après les deux jours que j’ai vécu ici, ça donne:
8h: Prise de sang dont je n’ai aucun souvenir.
9h: Petit-déjeuner avalé dans le noir (croissant-confiture-café-cul-sec).
9h30: J’honore Dame Nature, sonne pour que l’on débarrasse, et me recouche.
10h30: Réveil, puisqu’on vient faire ma chambre. Je discute effectivement de tout: du RSA, des Antilles, etc.
11h: Je fais ma toilette, avec Jacques Brel en fond musical, que je chante à tue-tête.
11h-12h30: Je lis/surfe/ne fait rien.
12h30: Je prends mon déjeuner en regardant dans le vide (sans être triste, mais simplement parce que ça m’amuse de manger sans rien faire).
12h30-15h: Je joue à l’ordinateur. Vous serez d’ailleurs ravis d’apprendre que si, moi, étudiant de 22 ans, j’ai un peu la gueule en vrac, mon elfe voleur niveau 26 est en train de sauver Bordelciel, lui!
15h-18h30: Visites.
18h30-19h: Repos post-visite.
19h: Dîner, que je prends également en regardant dans le vide, et sans me poser de questions. Je ne sais pas ce que je fous d’ailleurs.
19h30: Lecture
21h-01h: Jeu d’ordinateur, en mangeant de Pringles et en buvant du Coca… C’est un plaisir régressif.
Je ne jouais plus à l’ordinateur depuis à peu près 8 ans. Alors je rattrape le temps perdu.
A l’hôpital, je deviens maniaque - parce que je m’emmerde -. Lorsque je vais à la douche, chez moi, je prends mes affaires dans l’armoire, que je pose n’importe comment dans la salle de bain le temps de temps de la douche. Ici, je dépose mes affaires avec ordre, et sur mon lit (qui fait face au lavabo) j’aligne donc, bien plié: le t-shirt, le boxer, les chaussettes, le pantalon, le gant de bain jetable, la serviette jetable.
Je suis beaucoup moins stressé, angoissé que ce que j’imaginais. En fait, je m’en fous. Je dors bien (je dors, à vrai dire, mieux que chez moi, tant, chez moi, j’angoissais de mal dormir ici - vous voyez?), la chimiothérapie n’est pour l’instant pas trop violente, même si je me sens un peu fatigué, et je peux jouer des heures d’affilées sans me reprocher de perdre mon temps puisque le but, c’est justement de tuer le temps.
Awé, aussi, dans la liste des livres que j’ai amené, j’ai gravement merdé. Autant Cioran était une bonne idée, c’est amusant de désespoir, les formules sont brèves, autant Proust… j’ai lu les 2000 premières pages avec passion, mais là, alors que je suis à l’hôpital, en greffe, lire le narrateur me raconter qu’il pleure, tandis qu’il a vingt ans, parce que sa grand-mère ne frappe pas contre le mur pour lui souhaiter bonne nuit, je ne peux pas.
Pour le vélo, ils sont gentils. Ils m’en ont apporté un. Bon, certes, ni le guidon, ni la selle ne tiennent, et l’écran ne fonctionne pas. Mais, je ne vais pas commencer à chipoter, hein?