Hello,
J’ai raconté un peu plus tôt mes effets secondaires, mais autant raconter mon parcours, si ça peut aider quelqu’un, tant mieux. Bon courage à tous et à toutes, quel que soit votre parcours.
Aux courageux qui liront mon pavé, armez-vous d’un café
Tout commence en fin 2019, alors que j’enchaine beaucoup de choses au niveau de mes études, je passe des concours en plus de mon master et je donne des cours de soutien à la fac. J’étais fatiguée (notamment à cause du concours) mais je me dis que c’est normal vu ma situation ! Le 28 janvier 2020, j’ai un rendez-vous avec la médecine du travail de la fac ou je vais à reculons (j’avais suffisamment de choses à faire me disais-je, je suis en pleine forme, ça sert à rien). Cette médecin me trouve une grosse boule dans la gorge. Elle me dit qu’il peut s’agit de plusieurs choses (kyste, ganglions, etc.) et qu’il faut faire des examens pour savoir ce que c’est. Une prise de sang révèle que je suis positive au cytomégalovirus (un cousin de la mononucléose) et le radiologue qui me fait une écho du cou me dit de ne pas m’inquiéter que les ganglions sont infectieux (que nenni, comme vous pouvez vous en douter).
Trois semaines après toute ma famille et moi tombons malades, température, toux, la totale. Direction le médecin de famille, et j’en profite pour amener le compte rendu du radiologue. Ma médecin traitante demande à ce que je revienne la semaine d’après pour regarder l’évolution de ce ganglion. Une semaine plus tard donc, je vois la collègue de ma médecin qui m’oscule et me dit que mon ganglion n’a pas diminué, et qu’il faut que j’aille voir un spécialiste du sang. Elle appelle donc le service d’onco-hématologie de l’hôpital, et j’ai un rendez-vous trois jours après. N’étant pas spécialement inquiète ou stressée de ma santé, je ne suis toujours pas anxieuse ! Et pour cause, à part une petite fatigue, je vais très très bien !
Le fameux jeudi 27 février arrive, et avec lui mon rendez-vous en onco-hématologie (à noter : je ne savais pas ce que onco voulait dire, donc j’y vais vraiment sereinement). Dans la salle d’attente, il y a une affiche de France Lymphome Espoir (oui oui ! ) avec la phrase « (re)vivre après un lymphome » et je demande le plus innocemment du monde à ma maman (infirmière) qui m’accompagnait ce qu’est un lymphome, je la vois blanchir et je comprends à ce moment-là qu’il y a un problème, un vrai. Elle se doutait de ce qui se tramait et cela a été confirmée par mon hématologue quelques minutes plus tard, lorsqu’elle nous a dit qu’elle suspectait un lymphome de Hodgkin.
L’annonce a été un vrai choc pour moi, je ne comprenais pas comment cela était possible du haut de mes 22 ans. Les deux semaines qui ont suivi sont passées très très vites : biopsie, scanner, pet-scan, EFR, écho cardiaque, prise de sang, gérer l’arrêt des études, réemménagement chez mes parents. Et l’arrivée des gros symptômes : sueurs nocturnes, fièvre, perte de 5 kg en 2 jours en mangeant. Mon état s’est dégradé en une journée, d’un coup. On appelle l’hématologue qui fait avancer le prochain rendez-vous d’une semaine. On est le 10 mars 2020, pour ce nouveau rendez-vous et mon hématologue confirme son premier diagnostic : Hodgkin stade 3B. Elle m’explique mon protocole (beacopp renforcé), que l’on a pas le temps de préserver ma fertilité, les effets secondaires des chimios, comment tout va se dérouler dans les prochaines semaines. Elle me demande si j’ai des questions, elle me demande s’il y a des choses qui me font peur, m’explique, prend le temps. Bref, une médecin exceptionnelle.
La date fatidique du 12 mars est là : pose du piccline, retrait du stérilet (qui évidemment se passe mal, vu que ma journée n’était pas assez compliquée) et les premières chimios. Les effets secondaires sont nombreux, mais pour ma part deux sont difficiles à gérer : les nausées, permanentes, qui m’empêchent de manger, de dormir, de me sentir bien rien que quelques secondes. Et avec elles, la fatigue et l’essoufflement dus à la perte de globules rouges. Monter ou descendre un escalier devient difficile, à tout le moins sans faire de malaise en plein milieu.
Pendant le repos entre la première et la deuxième cure, un nouveau souci a décidé de frapper à ma porte : le covid ! Evidemment en mars 2020 on ne le connaissait pas encore très bien, voir on ne le connaissait pas bien du tout. On savait juste qu’il tuait et que moi j’étais sévèrement immunodéprimée. Ni une ni deux, hospitalisation en urgence en service covid, surveillance rapprochée. Mon hématologue me dit que si je décompense le covid, un lit en réanimation m’attend, hors de question de ne pas faire passer en priorité une jeune de 22 ans. Pendant cette semaine d’isolement à l’hôpital, le moral était au plus bas, on ne savait pas comment j’allais passer la semaine, si j’allais passer la semaine. Je faisais des visio avec ma famille, on jouait à des jeux à distance. Et puis l’alopécie est arrivée. Une élève infirmière volontaire est venue m’aider à me raser, en me faisant rire, en me disant que j’étais jolie quand même avec mon petit crane tout doux. Merci à elle, mille fois, d’avoir rendu ca plus facile. Et heureusement, je n’ai pas décompensé le covid, et c’était une première victoire. On profite de mon séjour imprévu à l’hôpital pour me poser une chambre implantable.
Quelques jours après, retour à l’hôpital pour la deuxième cure, mais ce coup-ci on a trouvé comment réduire les nausées : les neuroleptiques en continu. Alors je dors, je dors et je dors, et ca passe.
Arrive le tep-scan de contrôle. Je me vois dans la machine, à lui ordonner de ne rien trouver. La personne rationnelle que je suis sais très bien que ça ne sert à rien de parler au scanner, mais c’est long 20 minutes à stresser, alors j’ordonne mentalement à la machine de ne rien trouver. Elle ne trouvera pas rien, mais pas grand-chose. La médecin vient me voir immédiatement « Madame, le protocole a très bien marché, rassurez-vous, je vais taper mon compte rendu et je reviens tout vous expliquer ». Toujours allongée et perfusée dans le scanner, je pleure.
Le parcours n’était pas fini, mais on changeait de protocole, on passait à quelque chose de moins violant : l’ABVD. Une seule journée de chimio tous les 15 jours. Je revis. Il y a des effets secondaires (mes copines les nausées sont toujours là) mais beaucoup moins violents. J’arrive à refaire beaucoup plus de choses par moi-même, je redeviens un peu indépendante.
Encore deux mois de chimio, et un nouveau tep-scan, le 22 juin. L’anniversaire de mon papa. Le stress toujours. L’attente. Et les résultats : rien. Il n’y a plus rien. Aucune cellule cancéreuse. Je suis en rémission complète. Bon anniversaire Papa.
Deux chimios de sécurité ensuite, on met en place un suivi tous les trois mois, on enlève la chambre, on continue les prises de sang, on arrête les scanners, on découvre que le cœur et les poumons vont bien, on traite les problèmes dermato, on écarte les suivis, c’est tous les six mois maintenant, on découvre une hypofertilité, on essaye de congeler les ovocytes, on doit arracher une dent, on trouve un ganglion, on fait une écho qui révèle qu’il est seulement infectieux, on reçoit des résultats de prise de sang qui sont revenues totalement à la normale…
Les mois et les années passent, toujours avec un suivi. Dans quelques jours, ca fera trois ans que j’ai vu la médecin du travail qui a trouvé le ganglion. Les dates anniversaires font parfois revenir des souvenirs tristes et douloureux. Mais dans ces souvenirs, il y a aussi mon compagnon qui me dit que je suis belle avec mon crane chauve. Il y a ma sœur qui m’aide à faire un gâteau au chocolat le jour ou j’en ai la force. Il y a des amis qui m’appellent quand je suis à l’hôpital. Il y a ma maman qui s’occupe de moi jour après jour. Quand je pleure à cause des souvenirs difficiles, j’essaie de me dire que, comme le répétait ma psy, c’est pas grave de pleurer tant qu’on arrive à sourire. Alors je pense à tous ces gens incroyables qui ont été là et qui m’ont permis de m’en sortir. Et au travers des larmes, je souris.