près de 20 ans après

En plus d’être admirablement bien écrit, ce texte nous donne de l’espoir à tous. Un immense merci, Gilles.

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Bonjour,
je me prénomme Gilles.

J’ai trouvé un emploi en CDI en septembre 2000 et me suis marié le même mois, puis je suis devenu papa en août 2001.

En 2002 j’ai lentement glissé dans la dépression (logement proche de l’insalubrité, manque d’argent, pensais travailler à deux pendant un certains temps avant d’avoir un premier enfant, etc.). J’ai commencé à ressentir une douleur au bras et au thorax à l’ingestion d’alcool, même en très petite quantité, de manière non systématique : par phases, un mois avec, un mois sans…
Cela m’inquiétait… J’ai longuement cherché sur internet, ai beaucoup lu. C’était les débuts d’internet mais je travaillais dans le secteur. Il y avait beaucoup de publications sérieuses à l’époque. La communication médicale grand public était balbutiante. J’ai trouvé que ce symptôme singulier était notamment associé à la maladie de Hodgkin. J’en ai parlé autour de moi… On m’a pris pour un hypocondriaque. Un médecin m’a prescrit du Spasmine™… J’avais 26 ans. Mon air inquiet et la logorrhée de quelqu’un qui a trop lu et est resté trop seul avec lui-même m’a desservi. C’était le printemps, j’aurais dû être heureux.

Puis à partir de septembre j’ai ressenti des symptômes étranges en me penchant en avant, comme une sensation de compression, d’inflammation, d’engorgement sanguin. Pendant ce temps-là ma femme souffrait de douleurs neurologiques engendrées par sa première grossesse sur un contexte de spina-bifida qui se manifestait à nouveau (stable depuis l’adolescence mis à part des difficultés à uriner). J’ai le souvenir d’une période sombre, littéralement, et du orange de la voûte du couloir de correspondance de la station Auber. Des années après je m’efforce encore d’éviter ce couloir.

Ma femme est passée par l’hôpital en raison de douleurs paroxystiques. Je l’appelais depuis mon travail et elle me disait que sa morphine (prescrite par un médecin de nuit) avait été confisquée par le responsable de service : elle a été prise pour une toxicomane qui cherchait un moyen de se faire prescrire à nouveau des produits. Sa couleur « comptoirs français » n’aura pas joué en sa faveur. Je me méfie toujours des qualifications de racisme mais là j’ai bien senti que le chef de service avait établi un diagnostic au faciès. Les infirmière sont devenues froides du jour au lendemain, nous n’avions que des informations évasives et un refus de place pour l’IRM tant attendu par ma femme. Nous ne pouvions avoir des informations qu’à travers notre médecin de famille et la présomption de toxicomanie de ma femme nous sera confirmée plus tard par lui. Un petit médecin généraliste ne peut pas grand chose contre un chef de service même s’il est dans l’erreur. L’IRM attendra encore plusieurs mois…

C’était vraiment une période horrible pour nous. Alors en novembre j’ai commencé à me sentir plus fatigué, et ai ressenti des symptômes grippaux fugaces. J’ai transpiré quelques nuits comme je ne pensais pas que cela fût possible. Un ganglion énorme a poussé dans mon cou la nuit du 2 au 3 décembre 2002. Devant mon insistance un scanner avait déjà été programmé faute de trouver d’explication virale ou bactérienne aux anomalies de mon bilan biologique. Notre médecin de famille qui passait voir ma femme chez nous a vu mon ganglion et j’ai compris dans son regard qu’il avait enfin pris la mesure du problème.

Puis tout est allé très vite. Masse médiastinale importante, signes biologiques, ganglions sus-claviculaires, etc.
En janvier 2003 j’attendais que le résultat d’une analyse de mon ganglion revienne du labo pour commencer les traitements. Après une série de tests pour établir le stade (IIBb) je commençais un protocole ABVD de 6 mois et une radiothérapie en mantelet de 40 grays. Je me rappelle que ce mois de janvier fut lumineux, ensoleillé : c’est à partir de ce mois de janvier que l’on a commencé m’écouter. J’ai bien d’autres choses à raconter, mais je préfère vous donner des nouvelles d’aujourd’hui, pour l’heure.

J’ai maintenant 44 ans, je prends mon Levothyrox tous les jours, je ferais bien de faire un peu de sport et je suis toujours là. Ma femme va mieux aussi, même si ses aventures ont continué aussi. Notre fille aînée aura bientôt 19 ans quand à la cadette, elle aura bientôt 13 ans.
Pour l’heure, seule une calvitie naissante m’inquiète vraiment.

Courage à tous.

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Merci beaucoup Gilles pour ton témoignage. On snt bien à travers tes mots à quel point cette période a été difficile et “sombre” pour ta femme et toi
Je suis moi même un revenante du LH mais bcp plus récente (six mois de recul), et c’est toujours réconfortant de lire quelqu’un qui a repris une vie normale après cette période dure et effrayante

Au plaisir de lire la suite

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