Bonjour,
Ceci est mon premier post sur ce forum, que j’ai un peu parcouru à l’époque de la maladie, mais pas trop non plus car je ne voulais pas que ça me stresse. Aujourd’hui j’ai décidé de vous faire un témoignage sur cette maladie, les traitements, mon vécu, ma vie, a tête reposée, avec du recul. Car je suis maintenant en rémission depuis 9 mois. C’est dit, et c’est important. Les gens écrivent surtout pour se plaindre, ou lorsqu’ils ont peur, lorsqu’ils cherchent des réponses, mais plus rarement pour dire qu’ils sont content et que tout va bien.
Alors voici mon témoignage, j’espère qu’il donnera de l’espoir à tous ceux qui se battent contre la maladie. C’est long mais ça fini bien LOL.
Petite présentation pour situer le contexte: aujourd’hui je suis a l’aube de mes 29 ans (anniversaire dans quelques jours), je suis médecin généraliste, je fais des remplacements en cabinets de ville pour le moment. J’ai un compagnon que j’ai connu un peu plus d’un an avant la maladie, nous n’avons pas d’enfants.
La maladie s’est manifestée très rapidement, du jour au lendemain dans mon cas, aucun signe annonciateur. C’était dans la nuit du 25 au 26 septembre 2017. J’avais mal dormi car j’étains inquiète pour mon chat qui présentait un soucis de santé que j’avais constaté le 25 au soir en rentrant du travail. Je devais l’amener chez le veterinaire des le lendemain (jour de repos dans mon planning, et c’est très important pour mon histoire!). Vers 5h du matin le 26 septembre, je commençais a avoir des difficultés a respirer profondément associée a des douleurs dans la poitrine… J’ai mis ça sur le compte du stress par rapport à mon chat. Le matin j’avais toujours de plus en plus de mal a respirer ainsi que des douleurs, impossible de terminer des phrases et de tenir une conversation malgré des antalgiques puissants que j’avais pris dans ma pharmacie personnelle. Le midi, mon compagnon est rentré du travail et je lui ai fait par de mes symptômes. Je me disais toujours que c’était du à l’angoisse de ce qu’on allait trouvé à mon chat (il avait rdv a 14h chez le véto), mais d’un autre coté je me disais bien que quelque chose clochait… je me suis décidée à me faire amenée aux urgences de ma ville par mon chéri, de peur d’être en train de faire un pneumothorax ou une embolie pulmonaire. Et de fil en aiguille, le scanner a révélé une énorme masse entre mon coeur et mon poumon gauche, de 11 cm de diamètre. Il y avait de quoi avoir du mal à respirer! Nous étions tous sous le choc… Je me suis vue mourir, quand j’ai vu cette image sur les résultats du scanner, j’ai compris de suite que c’était mauvais, sans savoir encore exactement quel type de cancer c’était, j’ai su que j’allais devoir en passer par des traitements lourds pour avoir une chance de survivre, et ce que ça m’en coûterai, physiquement, psychologiquement… Etant médecin, forcément on réalise plus vite. Mais j’aurai préféré être ignorante de tout cela parfois, car ça m’a causé bien des angoisses, de tout anticiper…
Bref, tout est allée très très rapidement à partir de ce moment là. Des le lendemain, je rencontrai un chirurgien thoracique qui m’a dégoté un RDV de PET scan le jour même. La masse était unique, pas d’autres ganglions ni organe atteint. Même si énorme au moins le cancer n’était pas disséminé… Le surlendemain j’étais hospitalisée pour une ponction biopsie sous scanner, 3 jours plus tard le chirurgien me posait déja mon PAC + biopsie ostéomédulaire sous AG car la biospie initiale avait déja commencé à dire que c’était un lymphome non hodgkinien.
Le 5 octobre 2017 au matin je rencontrais l’oncologue pour la première fois, adressée par mon chirurgien. On attendait encore une partie des résultats de la biopsie et qui allaient déterminer quel type de chimio j’aurai. Le 5 octobre apres midi je rencontrais l’équipe du CECOS pour préserver ma fertilité avant de débuter la chimio, vu mon bon etat clinique (la douleur avait quasi disparu ainsi que l’essoufflement, sans rien faire de spécial), on pouvait se donner un peu de temps pour initier une stimulation ovarienne durant 15j et prélever des ovocytes pour les congeler avant de commencer la chimio. Et de toute façon, on attendait encore les résultats définitifs, timing parfait donc.
Après un protocole de stimulation/ponction d’ovocytes non sans galères ni souffrances ( mais ça c’est une autre histoire), le verdict tombe: lymphome B primitif du médiastin. Protocole de chimio+ immunothérapie R-DA-EPOCH: 6 cures de 6j non stop en hospit complète espacées de 3 semaines chacune, et BASTA. Pas de chirurgie, pas de rayons si tout va bien. Bon c’est une bonne choses, mais les 6j d’hospit non stop loin de chez moi (j’habitais a 2h30 du centre de référence), ont été difficiles a vivre, et m’ont a chaque fois parus interminables…
J’ai bien entendu du arreter tout net de travailler. J’ai du abandonner le remplacement que j’effectuais. Rappelez vous j’étais en jour de pause quand je me suis rendue aux urgences. Et heureusement que la maladie a parlé à ce moment là. Car par la suite à part quelques petites douleurs peu gênantes ( en tout cas pour lesquelles je ne me serai jamais affolée), elle ne s’est plus trop manifestée! Je serai probablement passée a coté, j’aurai continuer a bosser, la laissant s’étendre et se remanifester peut être de manière bcp plus violente, qui sait ??
Bref, j’ai été très entourée durant ces mois de traitement, famille, chéri, amis… qui se sont relayés à mon chevet à l’hôpital et à la maison pour m’aider au quotidien. J’ai, autant que faire se peut, pas trop mal supporté les 4 premières cures de chimio. Très peu de nausées et vomissements, mais aplasie à tous les coups, enfermée à la maison de peur de choper quoi que ce soit. Je n’ai pas perdu de poids, au contraire, j’ai pris 13 kilos à cause des très fortes doses de cortisone dans mon protocole, et ça c’est ce qui m’a fait le plus de mal moralement et physiquement, après la perte des cheveux! Je ne m’y attendais pas vraiment…
Les 2 dernières cures de chimios ont été les plus dures, fatiguée surtout, lasse… impatience de terminer… Après ma dernière cure, j’ai chopé un rhume sur mon aplasie, et ça a dégénéré. Quelques jour après j’ai commencé à avoir du sang dans les urines et de plus en plus mal à la vessie: j’ai du être hospit en chambre stérile sous antibios et morphine. Mais les résultats d’analyses n’ont pas démontré d’infection urinaire. Finalement, je faisais une cystite hémorragique, c’est un des effets secondaires dus à un des produits de mon cocktail de chimio, à force d’accumulation. Ma vessie partait en lambeaux, littéralement… ça a été la période la plus dure à vivre de toutes. Fin des chimios, épuisée, avec un rhume sur une aplasie, anémiée, avec une mucite… j’étais KO. ça m’a valu 10j d’hospit dont je ne voyais plus la fin.
Puis finalement tout s’est doucement arrangé.
Je ne vous l’ai pas dit mais j’ai eu un 1er pet scan de contrôle après 2 cure de chimio seulement et la masse avait quasi déja disparu a 90%. C’était donc très très encourageant.
1 mois et demi après la fin des chimios, le 13 avril 2018, on m’annonçait officiellement que j’étais en rémission. J’ai mis du temps pour réaliser, pour comprendre que c’était enfin terminé.
J’ai repris le travail 6 mois après la fin des chimios, mes globules blancs et surtout les lymphocytes étant un peu à la traîne, mon oncologue m’a conseillé d’attendre un peu plus avant la reprise du travail, histoire de ne pas me choper les microbes de tous mes patients. En Aout 2018 c’était donc la grande reprise, non sans mal. En même temps qu’un planning de boulot surchargé, avec astreintes de nuit, je terminais également de rédiger ma thèse, que je devais rendre administrativement pour début Septembre. De la folie!
Cette thèse j’ai commencé à la travailler avant d’être malade, et je l’ai terminée après, c’est ma plus grande fierté. Je l’ai présentée le 5 décembre 2018 devant famille et amis, ce fut un grand moment d’émotions. Dire que le 5 décembre 2017, je passais mon 1er pet scan de contrôle pour savoir si la chimio fonctionnait, 1 an après présenter sa thèse, c’est tout de même fantastique.
Entre la fin des chimios et ce jour, l’eau a coulé sous les ponts. ça me parait loin et pourtant tellement proche aussi… Je dirai que l’après cancer est psychologiquement plus difficile à vivre que la phase des traitements. Pendant, j’étais en mode “marche ou crève”, je ne réfléchissais pas, je voulais juste avancer, étape par étape, et terminer le protocole.
Maintenant, c’est différent. Je me sens nettement mieux physiquement c’est sur, j’ai retrouvé une petite longueur de cheveux sympa, j’ai perdu 6 kilos sur les 13 pris, difficilement mais surement… Je recommence doucement à me reconnaître. J’ai du me faire aider d’une psychologue car j’ai traversé une période de grande angoisse à coté de l’apparente bonne santé.
J’ai vécu un syndrome d’état de stress post traumatique courant septembre 2018, à l’approche de la date anniversaire de la découverte de mon cancer, en plus je suis retournée travailler exactement à la même période dans le même cabinet que j’ai du quitter suite au diagnostic.
J’ai tellement flippé que mon corps m’a joué des tours, à tel point que j’ai ressenti à nouveau une douleur + difficultés respiratoire mais à droite cette fois! ça paraissait tellement réel… que j’ai appelé mon oncologue qui m’a prescrit un scanner en urgence. Mais RAS, scanner niquel… Je me voyais tellement replonger, j’en pleurai, je n’en dormait pas, et à coté de tout ça je devais soigner d’autres personnes pour des choses souvent bien plus banales… QUand on m’a annoncé que le scanner etait normal, j’ai pleuré comme si on m’annonçait une 2e fois que j’étais en rémission.
Avoir la preuve que le scanner etait normal et que je n’avais pas de nouvelle tumeur + le suivi psychologique ( technique EMDR) m’a énormément aidée, je poursuis toujours le suivi à raison d’une séance par mois.
Pour le reste, je dirai que je vis à peu près comme avant, je ne me sens pas plus affaiblie, je refais du sport comme avant, j’espère perdre les 7kilos de trop restants… j’ai des consultation de suivi avec prise de sang tous les 3 mois pendant 2 ans.
Question fertilité, il y a malheureusement eu un accident au CECOS, fuite du liquide de refroidissement des cuves… ovocytes non décongelés mais c’est tellement fragile qu’on pense qu’ils sont malheureusement altérés et non viables… on ne les a pas décongelés pour en etre surs defois que… Je revois les médecins dans 1 mois et demi pour faire le point et si besoin envisager une 2e stimulation + ponction si nécéssaire. On m’a dit que je pourrai tomber enceinte naturellement mais que ma réserve ovarienne va forcément diminuer comparé à une femme du même age… et que si je decide d’avoir un enfant sur le tard ça sera forcément d’autant plus difficile… et comme ce n’est pas en projet d’avoir un enfant dans les 2 ou 3 ans à venir, je vais devoir me résoudre a refaire une stimulation par précaution, malgré les mauvais souvenirs que j’en ai!
Mais j’ai lu et entendu plein de témoignages encourageants de jeunes femmes tombées enceintes naturellement apres les traitements, donc je ne perd aucun espoir!
Finalement, le plus dur est cette peur de retomber, de perdre cette santé si chèrement regagnée… Aujourd’hui j’ai confiance, j’ai moins peur. J’aurai toujours cette pensée en tête mais moins qu’il y a qq mois grace au travail avec la psy. Et aussi grace au temps qui passera de plus en plus. Comme je vous le disait mes chimios sont loin et pourtant encore proches… Les souvenirs des moments difficiles sont encore à vif. Le temps aidera surement. Le fait d’être médecin aussi n’arrange rien. Je connais tous les potentiels effets secondaires des molécules de chimios à plus ou moins long terme… je croise les doigts pour faire partie de ceux qui ne les présenterons jamais. Et j’essaie de ne pas trop y penser.
Mais surtout, la leçon que je tire de cette épreuve, c’est qu’a présent je vois la vie différemment. J’ai beaucoup mûri. J’étais déjà très mure pour mon age. Mais là j’ai pris une sacrée claque. J’ai probablement atteint une maturité et une façon de voir les choses que je n’aurai atteint que dans 20 ans. Je savoure les moments simples et heureux. Je relativise. Le fait d’être encore en vie après avoir eu si peur de la perdre dans la fleur de l’âge… ça donne une saveur toute particulière à toutes les petites victoires du quotidien. J’en suis même à faire relativiser mes propres parents sur certaines choses qu’il peut leur arriver!
Et je suis sure que plus j’avancerai, plus j’en tirerai des choses positives. Un jour quelqu’un m’a dit que j’en ferai quelque chose, de ce qu’il m’est arrivé. Je ne sais pas encore quoi mais j’espère que c’est vrai !
Cette épreuve nous a également bcp rapprochés avec mon compagnon. Il m’a bcp soutenue, aidée… a fait preuve d’une immense patience… traverser une telle tempête si tôt dans notre relation aurait pu tout faire voler en éclat. Je suis heureuse d’avoir trouvé un homme aussi gentil avec qui partager ma vie. Bref dans tout mal il y a un bien.
Soyez forts, pulvérisez cette cochonnerie, gardez espoir, la lumière est au bout du tunnel! Et bonne année à tous!
PS: Au fait, mon chat va très bien lui aussi aujourd’hui, pour la petite info Ouf