Intéressant. J’avais essayé le Feng Shui, qui, parait-il, aider à ré-équilibrer ses énergies, et beaucoup d’autres choses auxquelles je ne croyais pas du tout.
La première séance fut matinale. Je l’avais oubliée, et étais sorti tard la veille. J’ai donc été massé dans une gueule de bois incroyable, et le masseur n’en revenait pas de ce que je parvenais à me détendre, à me laisser aller, comme un vétéran du Feng Shui. La vérité est que je m’endormais.
J’ai dû renouveler l’opération trois fois. C’était relaxant, mais pas vraiment utile. Jusqu’au jour où mon masseur n’a pas pu venir, puisqu’il avait, le lendemain, sa première chimiothérapie (“Le cancer, faut pas en avoir peur, c’est pas contagieux. Il suffit juste de ne pas trop s’en approcher.” comme disait Desproges). Ironie, dites-vous?
Je vais essayer le magnétiseur, pour ma greffe, voir ce que ça donne, puisque tu as une bonne expérience, Ludivine.
Navré de n’avoir pas été là plus tôt. Mais je me rends compte que tu poses la question pour un cathéter, tandis que je n’ai eu qu’un PAC. Ca a passablement cicatrisé pour moi. J’ai été sous anesthésie générale après harcèlement du chirurgien, qui tenait à ne me mettre que sous locale (et je compte renouveler le harcèlement pour ma future pose du cathéter).
C’est assez jolies, les cicatrices. J’avais un corps de jeune minet des grandes villes, mince et intact, un peu fatigant donc. Me voilà avec un corps qui a vécu, entre la cicatrice du PAC, celle de la biopsie sus-claviculaire (à la base du cou, il suffit d’un col en V pour qu’elle soit visible), la cicatrice de la biopsie médiastinale (la plus intime, au niveau du coeur, sur 5 cm). J’attends avec impatience celle du cathéter, qui fera ma 4e au niveau du pectoral droit.
J’ai déjà préparé ma petite histoire. Rivalité pour une fille, rendez-vous nocturne derrière l’église, des coups d’Opinel. Moi j’ai ça, lui, on a pas retrouvé son corps.
Je ne suis pas sûr que la formation scientifique soit un bien dans ce genre d’épreuve. Les chiffres, ici, ne veulent rien dire. Et j’en suis la preuve vivante. 92% de réussite sous ABVD: ce fut un échec. Même chiffre sous le BEACOPP: réussite, mais, chose rarissime, rebond de la maladie (mon hématologue n’avait jamais vu ça, en avait à peine entendu parler). D’après le médecin chef de mon ancien hôpital “je suis en dehors de toutes les statistiques”; et c’est tous notre cas, puisqu’à les accumuler (combien de guérison? combien de rechute? combien d’effets secondaires à court, moyen, et long terme?) on en réduit la vraisemblance, et on s’aventure dans des angoisses qui, pour bien réelles qu’elles soient, ne s’appuient que sur des fictions.
Pour vaincre ton angoisse, n’hésite pas à te faire des t-shirts (très larges, que tu puisses les porter pendant les chimiothérapies) avec ce slogan, que j’arborai sur les miens (tu peux t’en faire une fournée pour quelques euros à Décathlon):
“Chimie-chimie yeah
Chimie-yo
Chimio”
Répéter cette connerie m’a pas mal aidé. Avec Spinoza et Nietzsche.
PS: Je suis convaincu que la formation littéraire aide beaucoup plus que la formation scientifique dans ces épreuves médicales. Nous avons de ces ressources en déni, en scolies, nous autres! Alors que vous, hélas, le Chiffre tue.
Autre chose qui aide, hormis Desproges, que je conseille mille fois, ce sketch:
http://www.youtube.com/watch?v=AlqBDfDb15o
La personnalité est contestée, politiquement il est minable, mais ce sketch, que j’avais regardé trois jours avant le diagnostic, ce que j’ai pu le piller, pour faire rire le personnel hospitalier…