Tout a commencé en septembre 2010.
Pierre mon époux, se plaint de ganglions dans le cou. Après divers examens, un ORL décide de lui faire une biopsie par ponction dans le ganglion qui se révèle négative (on saura plus tard que ce genre de biopsie n’est pas fiable).
Début 2012, on enlève toutes les dents du bas à Pierre pour lui mettre des implants. Tout se passe bien, bien que très douloureux, mais « mon homme » est courageux.
Il est alors très fatigué et de nombreux ganglions apparaissent dans son cou.
Notre médecin traitant et nous même pensons d’abord que cela provient de cette intervention.
La fatigue s’accentue intensément et notre médecin décide d’approfondir les examens :
IRM, scanner, analyses de sang puis en Juillet 2012, ablation d’un ganglion (3 jours avant le mariage de notre fils)
Camping caristes passionnés depuis 30 ans, je décide d’emmener mon mari en Bretagne afin de décompresser et de prendre un peu de temps pour nous, en amoureux. Quatre jours plus tard, notre médecin nous demande de rentrer pour consulter au plus vite le spécialiste qui suit Pierre… Retour à la réalité !
Le 1er Août 2012, nous apprenons que Pierre à un Lymphome et nous sommes dirigés vers l’hôpital de Poitiers.
Le 24 Août 2012, le verdict tombe : lymphome du manteau stade IV. Pierre apprend alors qu’il aura une épée de Damoclès au dessus de sa tête à vie…
Le coup est dur à encaisser mais nous décidons de nous battre à deux. Mon homme est un battant et même s’il sait que ce combat est difficile, il est déterminé à se battre au mieux pour moi ainsi que ses enfants et petits-enfants qu’il adore.
Le 12 Septembre, le combat contre le lymphome débute avec la 1ère chimio.
Le 14 Septembre, il est de retour à la maison. Il est fatigué, a peu d’appétit et du mal à avaler, mais tout le monde nous dit que c’est normal… Quelques jours après, le 20 Septembre, il retourne d’urgence à Poitiers sur avis médical.
Oesophagite sévère avec forte déshydratation, il reste hospitalisé jusqu’au 02/10/2012 sur Angoulême où nous résidons. Je peux le voir tous les jours et le soutenir de mon mieux. Son moral est intact.
Les chimios s’enchaînent au rythme d’une toutes les 3 semaines sans complication majeure.
Notre rythme de vie est chamboulé. Il faut gérer fatigue, manque d’appétit, changement d’humeur mais nous sommes tellement fusionnels que nous nous adaptons.
En novembre 2012, nouveau TEP-SCANN : que du bonheur !
La chimio est efficace, les ganglions et le foyer pulmonaire ont complètement disparu. La rate a retrouvé sa taille normale et les analyses de sang sont bonnes.
On regagne encore en motivation. Physiquement et moralement, c’est très dur pour Pierre. Il se sent diminué mais essaie de maintenir son activité professionnelle à la maison afin de se changer les idées et de se sentir utile.
Sa retraite étant prévue pour fin 2013, il a décidé que la maladie n’y changerait rien : il faut garder espoir !
Pour la 5ème chimio mi-décembre, le traitement est moins long pour éviter de fatiguer les reins.
Nous passons les fêtes en famille. Pierre est très motivé pour attaquer l’autogreffe en début d’année, d’autant plus que notre 7ème petit-enfant doit naître pendant cette période.
Le 2 Janvier nous partons donc pour son dernier séjour à « l’hôtel », comme nous avions pris l’habitude de l’appeler (pour tous les séjours précédents, je restais dormir avec lui).
La séparation est difficile mais tous nos projets vont bientôt se concrétiser et Pierre sent alors ses forces se décupler ! Le soir lors de mon départ, c’est lui qui m’encourage en me disant que dans 3 semaines il serait avec moi. Le monde à l’envers !
La chimio commence le soir même et je réintègre tristement ma maison puisque je suis à 1h30 du CHU et que je dois reprendre le travail.
Je passe alors mes week-ends et mes mercredi avec lui et nous utilisons Skype tant qu’il le peut.
L’autogreffe a lieu le 10 Janvier. Il est en aplasie et a une forte mucite qui le fait beaucoup souffrir (tout le système digestif est à vif et sa bouche est à sang…)
Le moral ne faiblit pas : il vient d’avoir un petit fils et souhaite tellement le connaître qu’il vaincra!
L’état de mon mari se dégrade, il n’a plus de forces… Plus de sms, plus d’appels, plus de Skype : que c’est dur d’être loin ! Je me sens impuissante… Les enfants nous soutiennent comme ils peuvent.
De plus il est impossible de joindre un médecin. Je téléphone tous les matins au service pour avoir des nouvelles mais je ne verrai qu’une interne en 16 jours !!!
Le 16 Janvier, je rends visite à Pierre. Il a été placé sous oxygène dans la nuit (à cause de la fièvre selon l’infirmière) et se plaint d’une douleur au poumon droit.
L’interne que nous voyons à 15h est rassurante : auscultation longue et normale le matin, mais elle envisage une radio pulmonaire le lendemain pour être sûr qu’il n’y a rien. Nous passons l’après midi ensemble. Que c’est bon d’être ensemble, même si Pierre dort beaucoup ! Une nouvelle fois, nous parlons de nos nombreux projets de voyage à deux…Comme notre vie sera agréable une fois tout cela derrière nous !
Nous avons appris à apprécier chaque petit moment… Je pars sereine, car Pierre garde un moral d’acier. Dans deux semaines, nous serons ensemble ! Que du bonheur !
Le 17 Janvier, mon mari sanglote au téléphone et n’est pas dans son état normal (c’est quelqu’un de très fort et depuis le début du traitement, il n’a jamais été dans cet état !).
Son infirmière me dit que tout va bien, que la radio pulmonaire a bien été faite, mais qu’ils devront la refaire l’après midi car elle est floue. Elle me rassure en m’assurant de me prévenir en cas de problème. L’après-midi, je téléphone au service, tout va bien selon eux !
Pour la 1ère fois je me couche sans avoir eu d’échange avec mon homme, mais je me rassure en me disant qu’il s’agit simplement de fatigue et que ça ira mieux demain…
Cet ascenseur émotionnel est dur à supporter !
Le 18 Janvier, lors de mon appel quotidien au service, une externe m’indique que l’infirmière de Pierre est en visite et que je serai recontactée pour avoir des nouvelles.
Je réitère mon appel toutes les heures et on continue ce « barrage »…
A 14h30, enfin un médecin me rappelle.
Mon mari est dans un état grave et est dirigé vers le service de réanimation… Apparemment il évoque une pneumonie.
Et là pour moi c’est l’horreur ! Panique : pourquoi nous ? J’ai l’impression que c’est un cauchemar et que je vais me réveiller !
Je préviens nos 3 enfants et pars pour Poitiers précipitamment.
Quand j’arrive, Pierre a été placé dans un coma artificiel avec un respirateur. Je suis étonnée car nous pouvons rentrer dans la chambre sans protections alors qu’il était en chambre stérile jusqu’à présent (globules blancs < 100)
L’interne que nous voyons nous indique qu’ils ne peuvent pas se prononcer avant 3 jours.
Nous passons notre week end entre espoir et désespoir.
Notre vie pour moi ne peut pas s’arrêter là. 38 ans de vie commune ne peuvent pas être balayés à cause d’une « saloperie » !!!
Et bien si, le 21 Janvier 2013, à 10h, sur conseil médical, j’ai demandé l’arrêt de l’acharnement thérapeutique (respirateur).
Pierre nous a quitté. Nous sommes anéantis et ne comprenons pas ce qui s’est passé… Pourquoi ???
Quelques jours plus tard, après avoir eu un entretien avec son hématologue, j’ai appris que Pierre était parti d’une infection nosocomiale… Suite à mes questions, l’hématologue m’a indiqué que le terme « chambre stérile » était une erreur d’appellation (selon ses propres mots !)
Comment peut on parler « d’erreur d’appellation » quand cela a coûté la vie à l’homme que j’aime le plus??? Et comment peut on continuer à dire ça aux malades, en leur laissant croire qu’il n’y a aucun risque à part des effets secondaires qui sont traitables…
A aucun moment, on nous a laissé entendre que l’autogreffe pouvait être mortelle.
L’hématologue a également laissé entendre que les soignants avaient mis trop de temps à réagir et qu’ils s’étaient donc laissés surprendre par la dégradation rapide de l’état de santé de mon mari. Pourtant, dès le jeudi, je leur signalais que Pierre n’allait pas bien du tout… Mais dans de telles circonstances, il faut faire confiance au corps médical…
Pour l’instant j’oscille entre révolte et chagrin.
Que faire ? Mon époux ne reviendra pas quoi qu’il en soit… Mais cette succession de négligences lui a coûté la vie !! Quelle injustice, surtout que son Lymphome était en très bonne voie ! Le médecin et nous-mêmes étions tellement optimistes !
Je lui avais promis de continuer à vivre quoi qu’il arrive, mais à 59 ans il me reste tant d’années à vivre seule… Je suis anéantie et je n’ai plus de points de repère. Heureusement, mes enfants sont là pour me soutenir. Pierre a été fort, je lui dois de l’être aussi. Mais comme il le disait quelques fois : « Dieu que c’est dur ! ».
Le 21 Février, déjà un mois pour mon mari…
Le 27 Février, notre fils aura 30 ans ; le 04 Mars, notre petit-fils aura 10 ans ; et le 08 Mars, Pierre aurait eu 64 ans… Tous ces anniversaires étaient souhaités en famille. Comment vais-je gérer tout ça ?
Mon post n’a pas pour but d’affoler, loin de là, mais simplement d’informer les gens qu’il peut y avoir des risques… Au contraire, gardez le moral et battez vous ! Profitez de chaque instant, la vie vaut la peine d’être vécue ! Depuis 1974, nous la croquions à pleine dents avec mon mari…
A vous tous, malades ou proches, je vous souhaite tout le courage possible…
Dominik