Bonjour,
On m’a proposé de venir vous faire partager mon témoignage sur la greffe de sang de cordon, ou sang placentaire, et c’est avec plaisir que j’essaierai de répondre à quelques questions.
Tout d’abord je me présente, je m’appelle Nicolas et en novembre 2009 on m’a diagnostiqué une leucémie aigüe lymphoblastique à cellules T (LAL-T). Je connais moins le lymphome, mais il me semble que la principale différence entre le lymphome à cellules T et ma leucémie c’est la localisation. Chez moi le problème est situé dans la moelle osseuse.
Très rapidement, une greffe a été envisagée. Mes deux frères n’étaient pas compatibles, ni aucun donneur sur les registres de donneurs volontaires. Alors que pour un donneur du registre, on recherchait une compatibilité d’au moins 9/10, 4/6 suffit pour du sang placentaire. (C’est un peu résumé mais en gros on n’est pas aussi exigeant car les cellules sont encore naïves au niveau immunitaire).
La greffe de sang placentaire existe depuis une quinzaine d’années je crois, initialement réservée aux enfants car la quantité de cellules dont ils ont besoin pour que la greffe prenne est plus faible. Depuis quelques années, on arrive a greffer des adultes en utilisant 2 sources de sang placentaire pour avoir une quantité suffisante de cellules.
C’est ce dont j’ai bénéficié en avril 2010 après un conditionnement myéloablatif (Endoxan, ICT, SAT). Lorsque la greffe prend, un des deux cordons prend le dessus sur l’autre.
Dans mon cas la greffe a prise, mais la nouvelle moelle avait du mal a fabriquer des plaquettes, jusqu’à ce qu’elle fabrique (indirectement) des anticorps anti-plaquettes… La maladie a profité de ce désordre ambiant pour repointer le bout de son nez et en janvier 2011 on pouvait parler de rechute. Reparti pour un tour, j’ai à nouveau bénéficié d’une greffe de sang placentaire en mai, simple cordon cette fois ci car la quantité de cellules était suffisante. La greffe a encore une fois bien pris, la nouvelle moelle travaillait très bien, mais le conditionnement ayant été atténué, la leucémie n’a mis que 10 semaines à réapparaître. Aujourd’hui je suis en rémission après une série de cures de chimio-thérapie et espère que ça va durer. Sinon, il faudra envisager peut-être une 3e greffe, ce qui semble assez rare j’ai l’impression. En tout cas ce ne sera pas du sang placentaire:
Avantages: Compatibilité plus faible possible, donc plus facile à trouver
Cellules naïves, peu agressives, donc risque de GVH plus faible. Je n’ai jamais eu de GVH.
Stock disponible, donc la date de la greffe ne dépend pas de la date du don.
Inconvénients: Aplasie post-greffe plus longue, car la quantité de cellules est plus faible qu’avec un donneur adulte
Cellules naïves, donc moins efficaces contre la maladie lorsqu’elle est un peu trop agressive.
Voilà pour mon histoire et mon expérience. J’ai relevé quelques questions auxquelles je voudrais apporter mon avis.
En ce qui concerne le prélèvement, il me semble qu’il faut qu’il y ait une personne, ou une équipe spécialement formée. Non pas que les sages-femme ne puissent effectuer le geste, j’imagine que c’est plus pour le conditionnement des cellules prélevées.
Ces cellules sont prélevées après clampage du cordon et avant la délivrance dans une veine du cordon.
(Une vidéo de l’association Laurette Fugain: http://youtu.be/xVXtcnxpEY8 et une autre très instructive http://youtu.be/AJec8pFHy0o).
Le cordon est effectivement jeté habituellement. Depuis l’an dernier, il est passé du statut de déchet au statut de ressource, ce qui je crois va pouvoir accélérer la banalisation du don, au moins sur le plan juridique.
Le nombre de maternités habilitées n’augmente pas très rapidement en raison je pense, de ma première remarque d’abord, besoin d’une équipe “qualifiée”. Ensuite il faut savoir que seuls les hôpitaux publics peuvent prétendre à le faire, normalement. Cependant il y a certaines cliniques privées qui le font, probablement semi-privées, ou au moins ayant un accord avec les autorités.
Le coût de conservation des cordons joue probablement un rôle important.
Pour la question éthique, je crois que le débat se porte plus sur l’utilisation du cordon que sur le prélèvement en lui même. Aux Etats-Unis, il est possible de payer des fortunes pour faire conserver le sang placentaire de son enfant, dans l’espoir qu’il lui serve un jour. Ce sont ces dérives que l’ont veut éviter en France car à l’heure actuelle, rien ne peut laisser penser qu’on pourrait se resservir de son propre cordon à l’avenir pour soigner une maladie. D’autant plus si cette maladie est génétique, l’anomalie sera probablement déjà dans le sang placentaire. Mais on peut espérer qu’à l’avenir, on puisse utiliser ces cellules pour refabriquer des tissus endommagés…
Enfin pour terminer (ou plutôt, pour enfin terminer car j’ai été un peu long), il est vrai qu’il y a un effort de sensibilisation à faire. Il ne faut pas que les futures mamans sensibilisées hésitent à en parler lors de leur grossesse, dès les premiers mois, car il peut être fait il me semble des premiers examens pour savoir si l’on va pouvoir donner ou non, ou s’il n’y a pas de contre-indications particulières.
Sur “tous” les prélèvements réalisés, très peu (environ 1/3 il me semble) sont conservés, car il faut qu’il y ait suffisamment de cellules. Côté soignants, il y a un travail également à faire. La carte des maternités où donner (http://www.sangdecordon.org/comment-donner/maternites-ou-donner/) est très utile, espérons qu’elle se couvre de vert rapidement!
En espérant avoir pu apporter quelques réponses. Mais les sites déjà donnés sont déjà très utiles.
Je vous souhaite une excellente année 2012, que la santé soit bien évidemment au rendez-vous pour pouvoir profiter pleinement de tout le reste!